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Créer CorresponDanse de guerre

Théâtre cinématographique et téléprésence

Nous travaillons à partir du contenu des lettres échangées entre Eugène Mackay-Papineau, jeune officier du 22e bataillon canadien-français parti combattre en Europe au cours de la guerre de 14-18, et ses proches. Nous retrouvons principalement des lettres de sa tante Émilie, qui l’a élevé comme une mère, et de sa fiancée. Il y en a aussi quelques-unes de son père, de son frère, d’une marraine de guerre française, d’amis aussi, qui s’avèrent intéressantes également pour nous situer et nous donner des renseignements supplémentaires.

Dès nos premiers pas en téléprésence (retransmission d’images et de son en simultané dans deux salles éloignées l’une de l’autre par l’entremise de la station SCENIC de la Société des arts technologiques), nous souhaitions faire sentir la distance entre les protagonistes, tout en créant différents effets de proximité, afin d’illustrer, notamment, les liens forts qui les unissent. Nous avons apprivoisé certaines contraintes techniques, entre autres :

  • Nous composons avec une technologie (Station SCENIC) en développement, ce qui vient avec une instabilité et qui nous a amenés, assez tôt dans le processus, à réfléchir à une autre solution pour assurer la téléprésence. Toutefois, à ce jour, nous n’avons pas encore baissé les bras, nous poursuivons notre exploration et sommes en contact avec la Société des arts technologiques dans le but de favoriser le développement optimal de la Station;

  • Nous avons vite compris que nous aurions à composer avec le délai qui vient inévitablement avec toute transmission. Nous avons donc d’emblée écarté la chanson à l’unisson entamée dans les deux salles, notamment, ou les chorégraphies synchronisées réalisées dans les deux salles. Cela dit, de la contrainte sont nées des stratégies créatives qui en fin de compte nous servent : mouvements décalés dans les chorégraphies, jeux avec le rythme, ce qui crée un effet plus fort et plus dynamique, ou choix quant à l’interprète qui portera l’une ou l’autre des chansons, avec l’appui d’effets de voix apportant une profondeur à l’interprétation.

Nos principaux objectifs actuels

Expérimenter le nouveau langage que nous sommes à créer, le théâtre cinématographique, qui s’appuie sur la téléprésence. Nous devons valider si notre proposition est valable et réalisable. Nous devons aussi poursuivre notre expérimentation de la station SCENIC qui n’arrive pas toujours à demeurer constante dans sa transmission. Nous aurons donc certaines décisions à prendre quant à l’outil avec lequel nous travaillerons à l’avenir.

Bancs d'essai des 9, 10 et 11 novembre 2020

Pour la première fois depuis le début du processus, on entrevoit la scène comme un plateau de tournage : on commence à donner forme à la nouvelle forme de langage qu’on est à créer : le théâtre cinématographique. Celui-ci est naissant, il y a tout à découvrir, à expérimenter et à créer, c’est à la fois extrêmement stimulant et un peu vertigineux!

Donc, sur chaque scène, le plateau, là où les interprètes évoluent. Tout cela est capté par caméra, et le résultat est projeté sur un grand écran situé à l’arrière-scène, à une hauteur permettant aux spectateurs de voir à la fois l’activité sur le plateau et le rendu final à l’écran. Chaque salle voit le même rendu, le même film, mais profite d’exclusivités de salle quant à ce qui se passe sur le plateau, un peu comme dans la réalité de l’époque : avec une correspondance, les nouvelles se rendent, mais des informations se perdent, soit par oubli, soit par omission volontaire, soit parce que des lettres ne se rendent pas.

Emboîtement

Nous installons un écran LED sur scène, dans le but d’expérimenter l’emboîtement. Par exemple, en plaçant une table contre l’écran LED, en y assoyant la famille et en captant un autre comédien sur l’autre scène, tout en respectant une échelle de proportions, on peut créer l’illusion que cette personne est attablée avec les autres.

À noter : si nous élaborons le théâtre cinématographique (T.C.) en nous appuyant sur la téléprésence, nous constatons qu’il n’en dépend pas. Le plateau de tournage pourrait bien se trouver sur une seule scène, puis l’action captée pourrait être transmise sur grand écran. Toutefois, le propos du spectacle se prête à merveille à l’éloignement, nous tenons donc à notre proposition de départ et à séparer physiquement les deux plateaux.

Constatation : en captant sur caméra l’action qui se passe sur l’écran LED, il se crée un effet visuel indésirable, un peu spectral, qui nuit à l’illusion. Il pourrait s’agir du fait que nous ne travaillons pas encore l’éclairage, et ce pour quelques raisons :

  • Nous en sommes encore à découvrir quels seront nos besoins avec le nouveau langage qu’est le T.C.;

  • En bancs d’essai, le temps est compté, si bien que nous choisissons ce sur quoi nous concentrerons nos efforts. Peut-être l’expérimentation de l’éclairage – élément crucial dans un spectacle – demandera-t-elle des bancs d’essai à elle seule;

  • Un enjeu se dessine concernant le nombre de pixels que la caméra est en mesure de capter vs le nombre de pixels de l’écran LED. Un équilibre doit se créer entre les deux pour qu’on oublie le plus possible l’écran LED.

Du côté des proportions, l’effet est très intéressant et nous arrivons à créer une illusion de repas en famille. Les tests sont techniques à ce stade-ci, un travail d’interprétation et de chorégraphie des mouvements, en quelque sorte, sera à faire, pour que les interactions et réactions s’arriment bien.

Nos premières expérimentations se font avec un écran 9 X 9, donc carré, qui nous permet de tester bien des dynamiques, mais il s’avérerait sans doute intéressant de travailler avec plus de largeur, afin de disposer de plus d’espace pour permettre à une chorégraphie de se déployer, ou pour intégrer différents interprètes sans manquer d’espace.

Aiguillage

Pour chaque salle (militaire/famille), nous disposons de:

  • 2 caméras PTZ fixes

  • 1 caméra sur scène

  • 1 caméra au plafond

  • 1 caméra mobile.

 

Par un système d’aiguillage, nous décidons ce qui sera projeté sur grand écran, et nous sommes en mesure de projeter plus d’un flux à la fois sur l’écran, donc de créer une rencontre entre deux personnages qui ne sont pas sur la même scène, dans la même salle. Ces bancs d’essai ont principalement servi à expérimenter cette façon de procéder, et nous en sortons avec l’impression que ce ne sera pas la meilleure réponse à nos besoins.

 

Constats :

  • Nous avons trop de sélections à effectuer, trop de cues qui nécessitent une grande précision, et avec un tel procédé, la marge d’erreur est trop importante;

  • Pour que l’aiguillage fonctionne, il faudrait avoir recours à du contenu préenregistré, ce qu’on écarte, puisqu’on table sur le côté « en direct » et son immédiateté;

 

Entre chaque scène, pour optimiser les prises de vue, on se trouve à déplacer les caméras afin de les avoir exactement là où elles nous servent le mieux. Notre technicien multimédia émet l’idée de concevoir un dolly, un socle roulant, sur rail ou téléguidé, qui permettrait de déplacer les caméras selon les besoins. Nous n’irons pas plus loin dans cette voie, principalement parce qu’il s’agirait d’un nouvel élément technique à apprivoiser, alors qu’on essaie justement d’alléger le tout. Cela nous mène à cette réflexion :

  • Et si notre intuition était bonne et qu’il serait intéressant de miser sur une personne par scène (par salle) pour effectuer la captation?

  • Et s’il s’agissait de l’unique caméra? Cela éliminerait de plus le souci de toujours devoir éviter d’avoir une autre caméra dans le champ de vision.

Qualité de l'image

Le théâtre cinématographique doit respecter l’esthétique du cinéma. Avec les caméras PTZ, celles avec lesquelles nous avons travaillé jusqu’ici, le résultat ne nous satisfait pas.

 

Précisions : les PTZ ont ceci de pratique qu’elles peuvent être manœuvrées à distance.

 

Malheureusement, avec celles-ci, le sujet capté n’est pas magnifié comme on souhaiterait qu’il le soit, ce sont de bons outils pour une conférence, mais pour jouer sur les codes du cinéma, ça ne fonctionne pas.

 

Outre le fait que nous n’avons pas encore commencé à placer l’éclairage, nous sommes quand même en mesure de faire ce constat, puisque les autres caméras utilisées (des marques de caméra, sur trépied, sur scène) ont un meilleur capteur et un meilleur objectif que ceux des PTZ. Cela dit, avec celles-ci, toutes les opérations doivent se faire manuellement. Serait-ce une autre raison d’opter pour une caméra opérée en permanence par quelqu’un sur le « plateau »?

Résultats des bancs d'essai: 

À l'issue de ces bancs d'essai, nous avons:

 

  • Constaté que nous devrons travailler avec d’autres caméras que les PTZ pour un rendu cinématographique réussi;

  • Décidé, pour cette raison et des raisons de fluidité de la captation, de tester la caméra mobile opérée par une personne sur chacune des scènes;

  • Fait un premier essai avec un écran LED sur scène, effet concluant en ce qui concerne l’illusion de la présence d’un personnage qui se trouve en fait dans une tout autre salle, et belle piste pour dynamiser une scène. Nous comptons tester l’utilisation de cet écran pour faire office de fond, sur lequel l’action se déroulerait. Pour cela, toutefois, il faut régler la captation comme telle de l’écran, qui vient avec de la pollution visuelle;

  • Laissé de côté l’aiguillage, qui implique trop de risques d’erreurs.

Nous sommes en novembre 2020, nous aimerions planifier de nouveaux bancs d’essai pour le printemps 2021, mais en temps de pandémie, trouver deux salles pour nous accueillir n’est pas de tout repos.

Finalement, nous ne réussirons à aller en salle que fin septembre 2021 (au Monument National à Montréal et au Théâtre des Deux Rives, à Saint-Jean-sur-Richelieu) résidence que nous préparerons en nous rencontrant en août 2021, alors que nous testons certaines dynamiques en un seul lieu pour ensuite confirmer ou infirmer certaines hypothèses.

Bancs d'essai des 27, 28 et 29 septembre 2021

L’envie d’expérimenter l’utilisation d'une caméra mobile opérée par une personne présente sur scène s’est concrétisée, et nous explorerons cette possibilité au cours des prochains bancs d’essai.

 

Nous conservons toutefois une caméra fixe grâce à laquelle nous pourrons faire des plans d’ensemble.

Exploration avec une caméra mobile

La caméra mobile nous permet d’entrevoir différentes dynamiques que nous expérimenterons :

  • Le gros plan (visage, partie du visage, main, objet, détail…);

  • Le recours à des mouvements plus « organiques »;

  • Une participation presque chorégraphiée du caméraman sur scène, celle-ci impliquant une connaissance des scènes en profondeur.

 

Nous sommes aussi revenus avec une forme d’aiguillage, mais celui-ci pour passer d’une salle à l’autre (ce qui était déjà intégré, en raison de la téléprésence), ou du plan d’ensemble aux plans rapprochés de la caméra mobile.

La gymnastique de suivre l’action, parfois même d’essayer de la précéder pour être au bon endroit au bon moment, est un défi. Pour l’instant, nous ne travaillons pas avec un stabilisateur, ce qui devra être essayé. Cela dit, sur 75 à 90 minutes de spectacle, un stabilisateur peut s’avérer lourd.

 

À réfléchir!

Nous parvenons à confirmer qu’il est possible d’utiliser avec succès des codes cinématographiques en captant une action qui se déroule sur scène, notamment en ajoutant des éléments (ex : des fleurs, des herbes) au premier plan alors qu’une action prend place derrière, ou en commençant un traveling sur des éléments du décor pour ensuite aller capter l’action principale.

 

On expérimente également les différentes facettes du T.C., captant, par exemple, la tante qui écrit, assise à sa table avec une bougie (cinéma) tandis qu’à l’arrière-plan, des danseurs s’exécute.

Emboîtement et mise en abîme

Autre changement depuis la dernière résidence : l’utilisation d’un grand écran de télévision (85 ou 82 pouces?) pour remplacer l’écran LED. Nos recherches et nos discussions nous permettent de conclure que nous n’arriverons pas au résultat que nous recherchons avec un écran LED, et qu’il y aura toujours, du moins pour l’instant, une pollution visuelle, des reflets indésirables dans le rendu final, soit ce qui est capté pour être projeté sur l’écran de cinéma.

Le résultat avec la télévision est très concluant, et la captation de ce qui y est diffusé est vraiment satisfaisante, nous optons pour cette avenue. Nous travaillons de plus avec un support pour la télévision qui nous permet de faire pivoter l’appareil, pour avoir un écran horizontal ou vertical.

 

Quel soulagement!

Nous revenons à une expérience que nous avions déjà tentée, soit la multiplication de l’image en captant à la fois le sujet et l’écran derrière, où il apparaît, pour une mise en abîme, qui sert très bien certains propos du spectacle (la peur, l’anxiété, le traumatisme, mais aussi, avec plus d’un interprète, l’évocation d’une armée, de travailleurs dans une usine ou de veuves de guerres).

Cette fois-ci, pour circonscrire nos différentes expérimentations, nous avons déterminé quelques scènes précises au préalable, pensées pour pouvoir tester des dynamiques particulières. Nous souhaitions pouvoir disposer, au sortir des bancs d’essai, d’extraits cohérents, pour pouvoir les analyser par la suite et poursuivre la création en nous basant sur des acquis concrets.

Résultats des bancs d'essai

À l'issue de ces bancs d'essai, nous avons:

  • Confirmé l’efficacité de l’écran télévisuel pour un rendu très efficace en captation pour le grand écran;

  • Confirmé la pertinence d’utiliser une caméra mobile sur scène pour entraîner du mouvement, proposer différents points de vue, alterner avec les plans d’ensemble et créer une intimité;

  • Validé certains codes du cinéma (gros plans, éléments en avant-plan, traveling, etc.) et bien qu’il reste plusieurs dynamiques à expérimenter, ces premières réussites s’avèrent très stimulantes et viennent ajouter au vocabulaire du théâtre cinématographique;

  • Testé l’emboîtement, quoiqu’assez brièvement, si bien que nous avons une idée de ce qui fonctionnera, mais que nous pourrons sans aucun doute pousser ces expérimentations plus loin.

©2020 par CorresponDanse de guerre

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